Le projet
Tu sais, un tour du monde en voilier, c'est un projet de 3 ans, 5 ans, 10 ans même ! et pourquoi pas deux tours, si on peut le faire.
Bah, oui, pourquoi pas deux.
Les paroles du capitaine résonnent dans le rêve du mousse, mais…. semblent encore irréelles.
Et, tu sais, pour le réaliser ce projet, il ne faudra pas attendre qu’on ait l’âge de sucrer les fraises. La soixantaine m’a rattrapé, je n'ai plus le temps d’attendre. C'est maintenant. Ou pas.
Voilà le mousse prévenu.
On est en 2020.
Une bonne recette
Pour réaliser un tel projet, il faut réunir un certain nombre d’ingrédients qui, émulsionnés, fusionnés, produiront l'essence du possible.
Un désir, celui de donner un sens à une séquence d’une vie à deux.
Un capitaine, qui, depuis sa plus tendre jeunesse, fomente le dessein de parcourir les océans. Il fait parti de la génération de ces jeunes marins inspirés par le grand Moitessier. Sportif, la navigation est une des activités pratiquées parmi de nombreuses autres, l'expérience dans ce domaine est solide, le savoir-faire maîtrisé.
Un mousse, rêveur, lecteur. À l’heure de son demi siècle sonné, le mousse fut pris de vertige. Que fera-t-il quand la retraite sera venue ? Quel projet ? Le mousse rêve de voyage et ses lectures le transportent vers l’inconnu. Mais surtout, il a lu Francisco Coloane, ce chilien de Chiloé, qui raconte la grande pêche dans les mers du sud.
Un jour, le mousse a croisé sur sa route le capitaine. Et le capitaine a proposé au mousse de le suivre.
Un bateau, à voile, c’est une évidence.
Le capitaine a acquis un catamaran, un Nautitech 40.2. Le voilier est entretenu, soigné, amélioré par le capitaine. Moetera est un vaillant catamaran qui compte déjà des dizaines de milliers de milles à son compteur quand ces lignes sont rédigées.
Des familles aimantes. Un grand-père sur l’océan, ce sont des aventures à raconter, mais c’est aussi un grand-père éloigné. Pas de câlins, pas de genoux accueillants pour l’histoire du soir. Les fratries sont solidaires et accueillent le projet avec générosité. Les mamans ? Elles ont les visites et le soutien des fratries. Et puis, un petit appel vidéo régulier, c’est bien agréable aussi.
Une forme physique, qui permet de naviguer sur les océans, sans se soucier de la santé. Une chance inouïe !
Enfin le dernier ingrédient essentiel, c’est la disponibilité.
Le capitaine, on l’a dit, a atteint l’âge d’être libéré de ses obligations professionnelles. Il a prévenu le mousse, il n’a pas le temps d’attendre que lui aussi devienne disponible selon les règles en cours. D’autant que les lois dans ce domaine sont semées de vices et de pièges qui font sans cesse reculer l’âge du nouveau départ. Le mousse a aimé son métier. Mais celui-ci ne fait plus le poids. Le 31 août 2024, le mousse quitte définitivement ce grand ministère qu’il aura servi pendant 35 années.
Navigations
L'équipage a parcouru la mer de Corail, navigué dans l'archipel du Vanuatu, rejoint les atolls de Huon et des Surprises, reçu l’autorisation de mouiller dans l’exceptionnel atoll des Chesterfields. La période de confinement, vécue en Nouvelle Calédonie en mode "sous cloche », c’est à dire une interdiction de retour à celui qui quittait le territoire, avait mené l'équipage à faire le tour du Caillou et de ses îles satellites, dans un sens puis dans l’autre.
Le lecteur l'aura compris, pendant quelques années, Moetera a croisé dans ces eaux exceptionnelles de beauté et d’authenticité, mangroves, récifs coralliens, îles volcaniques. L'équipage garde en son coeur de belles rencontres, de générosité et de sincérité.
25 avril 2022, le catamaran se détache du quai où il vient de passer une dernière nuit. Il quitte définitivement Nouméa pour rejoindre Mamoudzou. 4 mois de navigation sont programmés.
Le catamaran traverse la Mer de Corail, navigue dans la Grande Barrière de Corail australienne, passe par le détroit de Torres et rejoint Darwin. Ensuite, la route diffère des routes les plus fréquentées par les voiliers. Au moment du départ, l’archipel indonésien reste fermé, à l’exception de Bali qui vient de rouvrir. Alors, quittant Darwin en Australie, le catamaran fait route à l’ouest pour traverser l’océan Indien et rejoindre les Seychelles. Il fera trois escales, Ashmore, Christmas Island et Coco’s Keeling.
L’océan Indien, c’est un peu « notre Everest », avait dit le capitaine. Capricieux, lunatique, colérique, inattendu, l’océan a dégainé ses lames, ses déferlantes et sa houle croisée sur la route de Moetera. Pas de quartier pour le catamaran. Juillet, c’est encore un peu tôt dans la saison pour la traversée, mais le timing était contraint, le mousse prenait un poste le 1e septembre.
Nouméa-Mamoudzou, 8 000 milles nautiques (14 500 km). C’est un bon test. Le projet d’un tour du monde est validé. L’équipage, pendant son escale dans l’archipel de Zanzibar.
Le sister-ship
Le projet prend une tournure inattendue lorsque un sister-ship de Moetera rejoint le mouillage de Dzaoudzi. Une belle surprise. Une famille a l’intention de naviguer jusqu’en Guadeloupe, départ prévu en septembre 24. Un sister-ship du Nautitech 40.2, version propriétaire, construit, parait-il en 10 exemplaires. Un lien fraternel se tisse, une reconnaissance filiale se crée. Les capitaines travaillent de concert sur leurs chantiers respectifs. Les mousses préparent l’avitaillement. Le bateau ami embarque dans son flotteur bâbord, un matelot de 12 ans et une princesse des licornes de 8 ans.C’est décidé, Moetera et Tao suivront la même route jusqu’au Brésil.
Mayotte, département français, est une ile de l'archipel des Comores, situé à l’entrée du canal du Mozambique. Pour rejoindre le Brésil, la route passe par le cap de Bonne Espérance et la Namibie avant de traverser l’océan Atlantique.
Et pour rejoindre l’Afrique du Sud, il y a deux routes possibles, est ou ouest.
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