Zanzibar 3 - Stone Town
Une partie de l’équipage doit débarquer, reprendre l’avion, c’est la fin des vacances. Le catamaran jette l’ancre dans une baie devant Stone Town, la capitale de l’île. On l’appelle aussi « Zanzibar-city ».
On commet un raccourci erroné en nommant l’île « Zanzibar ». Cette île est la plus grande est la plus développée de l’archipel de Zanzibar, comptant trois principales iles : Mafia Island au sud, il parait que le parc marin est une pépite à découvrir ; Pemba, la plus septentrionale, offrant des plages de sable blanc et des eaux turquoises sensationnelles, enfin au milieu et face à Dar Es Salaam, Unguja, la plus connue, celle qui a développé un commerce international depuis des siècles et qui désormais aligne les complexes hôteliers le long de ses rivages.
Stone Town est la capitale de cette dernière. Une ville bantoue colonisée à travers les siècles par les marchands venus de Perse, d’Inde, d’Oman, du Portugal. Les anglais en ont fait un protectorat, l’activité commerciale et l’administration de l’île étant déjà suffisamment développées à leur arrivée, ils n’ont pas jugé nécessaire d’en faire une colonie - remarque à contextualiser dans un XIXe siècle colonisant ! Finalement, le seul acte remarquable du colon anglais fut de forcer le sultan à abolir l’esclavage en 1871. Et encore, on dit que les Omanais ont poursuivi l’activité de commerce d’esclaves clandestinement jusqu’au XXe siècle.
Le touriste prend plaisir à se perdre dans les petites ruelles ombrées et aérées pour admirer les palais et grandes maisons de marchands. La richesse de ceux-ci se repère à la taille de la porte qui doit être haute, large, épaisse et ornée de piques en laiton ou en bronze si celle-ci appartient à un riche commerçant indien. La promenade est sincèrement agréable. A ne pas manquer, lit-on sur les guides touristiques, ils ont raison.
Marina d'un palace
Pour une question d’ordre pratique, le catamaran rejoint l’unique et minuscule marina pour 24 heures, le temps de déposer les matelots en partance. La marina fait partie d'un grand complexe hôtelier. Le mzungu part en repérage. Tout est neuf. Mais le mousse est déçu quand il constate que la marina n’offre aucun service de ceux qu’on attend -accastillage, laverie, relais pour les démarches administratives, etc-. Le parc d’attraction flambant neuf et le luxueux institut de beauté et les piscines ne consolent pas le mousse.
Bah oui, le mousse aurait préféré trouver un lave linge.
Pour parfaire la scène, l’immense complexe accueille ce soir là un séminaire. Paillettes et sono sont de sortie. Les femmes en hidjab noir emmènent les enfants à la piscine tandis que les hommes en djellaba d’un blanc impeccable rejoignent la salle de séminaire. L’endroit appartient à une holding tanzanienne, le Barkhresa Group Azam, l’un des plus grands conglomérats industriels en Afrique de l’Est, détenu par l’entrepreneur milliardaire Zanzibarote, issu d’une grande famille d’origine indienne, Said Salim Backhresa. Le groupe domine les secteurs de l’alimentation, de l’emballage, de la logistique terrestre et maritime, du pétrole et du divertissement. Visiblement il se lance aussi dans l’extraction aurifère. Les conditions d’exploitation de ces richesses sont régulièrement dénoncées par les médias occidentaux. Le précédent président Tanzanien avait lutté contre la corruption et l’ingérence des capitaux étrangers ; anti-vaccin, il serait décédé de la COVID, officiellement d’un infarctus.
Depuis 2021, sa vice-présidente est à la tête du pays. Oui, il faut sortir de France pour trouver une femme à la tête d’un pays !
Zanzibarote d’origine, elle a repris le flambeau du développement à tout va et engage la Tanzanie dans des contrats faramineux avec la Chine -infrastructures terrestres et portuaires- les Etats Arabes, l’Inde et les pays occidentaux- extraction minière-. La Tanzanie est un immense territoire, riche de minerais encore peu exploités et particulièrement convoités par les grandes puissances économiques (or, fer, charbon, uranium, nickel…). Dar Es Salaam est une ville champignon et l'équipage avait eu l’occasion de constater les mégas chantiers en cours, routes, transports collectifs, usines en la traversant.
A Zanzibar, les mzungus étaient ce soir là spectateurs d’une scène très actuelle en Tanzanie, un séminaire regroupant les acteurs de l’extraction aurifère en Tanzanie.
Instant bling-bling.
Ponton non recommandable
L’unique ponton de la marina est mal protégé, le vent souffle, la baie est agitée et le catamaran arrimé est secoué par un clapot désagréable. L’endroit est neuf et se veut de luxe, mais les managers n’ont visiblement pas prévus un service de nettoyage des eaux ; à la surface flotte tout ce qui est plastique, l’eau est noire de boue, peu ragoutante, hors de question d’y pointer un orteil ! L’absence d’assainissement est une calamité pour l’équipage, une aubaine pour les moustiques qui envahissent le catamaran. La lutte fut violente et se prolongea toute la nuit, la victoire est accordée aux moustiques.
Le capitaine voulant exploiter l’investissement de la nuit a prévu de donner un bon coup de balai brosse et de jet d’eau au petit matin avant le départ. Que nenni, les bornes d’eau restent fermées de 18h à … 11h ! Le catamaran a repris la mer, tout salé, tout gris de poussière de la ville, mais vaillant et heureux de retrouver des eaux claires !
Si cet article avait vocation d’instructions marines, l’auteur déconseillerait fermement aux plaisanciers d’y réserver une place, même pour une nuit.
Un plan insensé
Pour l’heure, il s’agit de rejoindre la ville, y faire quelques emplettes et régulariser la situation administrative du catamaran et de son équipage. Pour sortir de ce lieu de luxe feutré, il faut emprunter une allée qui traverse le complexe et demander au gardien de tirer la chevillette ouvrant le portail. De nouveau cette sensation d’avoir traversé une cloison invisible faisant passer de l’envers à l’endroit d’un décor.
Le mzungu est propulsé dans le bruit et la poussière ; il tente de traverser une rue sans prendre de risque au vu de la densité d’une circulation faite de tout ce qui roule, 4/4 luxueux, tuck-tuck, bus, camions, motos, charrettes… L’activité est fourmillante, marchés, échoppes, ateliers d’artisans, sièges de banques ou filiales de holdings tanzaniennes, le long de la rue Malawi, le plan d’urbanisme n’a visiblement pas été anticipé, les quartiers populaires et les nouvelles activités cohabitent dans un certain désordre.
La circulation est insensée, seuls le tuck-tuck ou la moto réussissent à se faufiler dans ces embouteillages monstres. Les habitants arrivent en ville en bus (200 shillings soit 0,072 cts le ticket pour faire le trajet à partir du Nord de l’île) ou entassés dans la benne d’un camion. Le mzungu tente de trouver un supermarché mais se retrouve dans le bazar de la ville. Déambulation entre les étals et les échoppes d’étoffes, de produits hygiéniques, de chaussures, de vêtements et de milliers d’objets en plastique aux couleurs vives.
Le contraste entre le silence du catamaran et le vacarme de la ville l’épuisent.
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