Zanzibar 2 - All inclusive
Le véhicule aux vitres fumées qui transporte le touriste vers son hôtel, cahote, un orage vient d’inonder l’axe principal du village. Le chauffeur ne ralentit pas, peu importe si les femmes chargées de grands paniers marchant sur le bord de la route sont éclaboussées de boue. Pas de réaction, fatalisme, patience, inertie, résignation ? De l’autre côté de la route, des jeunes gens passent le temps, assis sur leurs motos. Au passage d’un piéton mzungu, ils s’inventent moto-taxi, « five dollars » tentent-ils tout en présentant un casque usé et sale au présumé client. Five dollars pour aller où ? Peu importe, il faut essayer, on ne sait jamais, un billet de gagné c’est la promesse d’une journée plus douce. Le mzungu refuse l’offre du prétendu moto-taxi et s’apprête à traverser la rue.
Ah, oui, on roule à gauche en Tanzanie, enfin, à gauche, au centre et à droite si la gauche est déjà occupée par une charrette à bras, un groupe de femmes qui bavardent, des motos, un tuck-tuck et un bus.
Le véhicule de l’hôtel quitte la rue principale du village, il se dirige maintenant vers le rivage. Les maisons sont plus espacées, plus récentes aussi. Le touriste observe les chantiers, les resorts poussent comme des champignons à Kwenda, sur la côte est de Zanzibar. Ils sortent de terre dans des styles particulièrement kitch s’inspirant -plus de loin que de près- des styles indien, arabe et chinois. Le touriste ne voit d’ailleurs plus rien depuis que le chauffeur s’est engagé dans une étroite piste entre deux hauts murs.
Le mzungu a jeté l’ancre devant cette immense plage bordée d’hôtels. Après une semaine de navigation, il s’apprête à débarquer avec son panier sous le bras, il s’agit de refaire le plein de fruits et légumes. A Dar Es Salaam, Thomas, le chauffeur du tuck-tuck le plus pourri de la ville, mais le chauffeur le plus serviable du pays, l’avait emmené par deux fois faire des courses. La veille du départ, à sa demande, Thomas a négocié avec le jeune primeur installé dans sa charrette sur le bord de la rue, la meilleure pastèque, mûre dans trois jours, les ananas, un pour demain, l’autre pour plus tard, un énorme avocat, attendre un peu, il sera bon -oui, il l’était ! Tomates, bananes, oranges, combava, fruits de la passion, mangues. Rapporté fièrement par le mzungu au bateau, le panier gonflé de ces primeurs avait été consommé. L’équipage s’était régalé de ces fruits juteux et sucrés.
Murs d'hôtels
Voici donc le mzungu débarqué de l’annexe sur la plage de Kwenda, cherchant du regard un passage à travers la barre d’hôtels. Car oui, c’est bien une barre infranchissable que forme cette succession d’hôtels. Il tente une percée une première fois, mais se fait refouler par des gardiens. Chaque hôtel déploie un régiment de gardiens, l’un s’approche du mzungu avec un grand sourire «Jambo ! karibou-welcome- how are you », « no, sir, hotel private », aimable mais ferme.
Le mzungu longe le rivage, poursuivi par une kyrielle de faux maasaïs proposant leurs colifichets « Jambo ! twenty dollars, welcome, how are you ? French ? Ça vaaaa ? ». Le faux maasaï propose, invite à regarder ses trésors de Chine, mais n’insiste pas, on est loin du harcèlement des vendeurs à la sauvette sur certaines plages de France.
Le mzungu finit par trouver un sentier qui monte vers l’intérieur entre deux grands murs. Toujours des murs. Il atteint une rue, face à un n.ième chantier. Marche dans la rue. Trouve un tuck-tuck qui l’emmène dans le centre du village. Le contraste est saisissant.
Le mzungu est passé à travers une cloison invisible le faisant passer de l’univers clinquant, parfaitement propre et policé de la plage, largement peuplé de peaux claires à celui d’un village aux rues inondées par l’averse, ne disposant d’aucune infrastructure, ni eau courante, ni assainissement, ni éclairage urbain, où les enfants courent dans la boue et les femmes font leur lessive dans une bassine.
Les échoppes empilent des centaines d’objets de tout genre à vendre, le primeur a pendu le régime de bananes sous sa devanture. A l’approche du mzungu, tenter le prix du siècle est le sport collectivement pratiqué.
All inclusive
La navette de l’hôtel cahote de trous en flaques entre les hauts murs. Elle atteint un portail monumental, orné ou doré, parfois les deux, mais de toute manière gardé : le touriste est arrivé à destination. Sa chambre ou sa suite lui offrira une belle vue sur une longue plage de sable blanc, il n’aura pas loin à aller pour se baigner en toute sécurité, chaque hôtel a pris soin d’identifier sa zone de baignade par une ligne de bouées jaunes. Il a choisi la formule « all inclusive », il n’a pas eu besoin de prévoir une réserve de monnaie tanzanienne, le shilling, on attend de lui qu’il paye en dollars les suppléments. L’euro ? connait pas.
Sympathique cette grande plage de Kwenda, de nombreux restaurants, des bars, de la musique. Y aura de l’ambiance ! Un petit air d’Ibiza en Afrique. On parle anglais évidemment, chinois, hindi, arabe, mais aussi allemand, italien, espagnol, polonais et même russe. La clientèle cosmopolite se retrouve sur une idée commune des vacances : elle est venue chercher l’assurance d’un soleil quotidien, l’eau translucide et turquoise, le sable fin, blanc et doux, elle est assurée d’un service de qualité, des personnels qualifiés à leur disposition, souriants, serviables, aimables. Elle n’aura pas à se ruiner, la destination reste abordable.
Quoiqu’il est aussi possible de réserver sur un îlot privatisé par un hôtel de luxe à plusieurs milliers de dollars la nuit. Notre touriste reste modeste. Il réservera une sortie en boutre pour rejoindre un banc de sable non loin du tombant.
Le site est exceptionnel il faut le reconnaitre. Le mzungu y est passé sur son catamaran. Il y serait bien resté un peu, mais le clapot devenait un tantinet gênant quand l’alizé s’est levé en milieu de journée. En cette saison, il faut rester prudent, les orages sont violents et fréquents, les alizés montent brutalement en puissance, la houle de l’océan indien atteint alors les côtes.
Le touriste aura de quoi occuper ses journées bien agréablement entre balade en boutre, tour en jet-ski, farniente sur une chaise longue, apéritifs à toute heure et ambiance musicale. Des échoppes colorées sont installées sur le sable, il pourra y choisir paréos, breloques et colifichets made-in-china en tout genre. Après quelques jours de farniente sur une plage au sable fin, le touriste et ses valises seront de nouveau transportés vers l’aéroport, direction la Tanzanie continentale pour un safari.
La Tanzanie est le pays qui possède les plus nombreuses et plus vastes réserves de faune en Afrique. Elles sont toutes plus belles les unes que les autres. Passer une journée au milieu des lions, impalas, éléphants ou girafes laisse un souvenir émouvant, inoubliable, unique.
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