Namibie 2 - De Lüderitz à Walvis Bay, 3 baies, 3 atterrissages, 3 atmosphères
Walvis Bay ?
Simple ! C’est tout
droit, cap au nord. Environ 250 milles. En direct, c’est deux jours
de navigation, peut-être un peu plus si le vent se dégonfle.
Mais l’équipage a prévu de lézarder en
Namibie, alors pour rallier Lüderitz à Walvis Bay, il lui faudra
une dizaine de jours.
Le capitaine propose trois escales.
Trois escales, trois atmosphères, trois
univers, trois atterrissages.
Pêche et challenges
Gagnant le large, Moetera traverse des bancs de poissons. Ce sont les cris des cormorans qui ont alerté le mousse qui s’installe au tabouret de barre pour assister au spectacle.La surface bouillonne, ça chasse dessous, dessus, ça plonge, ça saute, ça se tortille, ça se faufile, ça file, ça mord, ça piaille, ça attaque en piqué, Moetera traverse un champ de bataille. Cormorans, goélands, otaries, dauphins, chacun pour soi, c’est la course. Le supermarché est ouvert et ça se bouscule aux stands des sardines, anchois, chinchards, merlus et thons rouge.
Le dos d’une baleine fend la surface. La chasse a son amiral.
Les dauphins lancent des défis de vitesse à Moetera, et les gagnent assurément ! Ils filent devant les étraves, se laissent porter dans les sillons formés par les coques du catamaran, économisant leur force pour mieux se propulser à nouveau. Des torpilles.
Les otaries sont rapides aussi, mais trop curieuses, elles sortent la tête de l’eau, histoire de vérifier qu’elle sont encore dans la course, et perdent leur avantage.
La zone est réputée pour être particulièrement poissonneuse. Et pourtant, le capitaine ne comptera qu’une seule capture… qu’il fallut relâcher, la prise était infectée.
Hottentot Bay – rencontre avec la mer de sable
Les nappes de la brume matinale se déchirent. Cette fois-ci, ça y est, elles sont là ces hautes dunes du désert du Namib, leurs crêtes forment ces vagues orangées bien identifiables, les photos ne manquent pas dans les guides touristiques.La veille, en début de nuit, Moetera a jeté l’ancre au milieu des chalutiers venus se mettre à l’abri. La baie de Hottentot est large et accueillante. De grandes plages de sable, des dunes à perte de vue, et là, au bout du monde, juchée sur la pointe de granite qui ferme la baie dans son sud, une maison rouge.
Quelle est l’origine de cet échouage massif sur la plage ? À moitié enfouis dans le sable, des dizaines de cadavres de dauphins du Cap, jonchent la longue plage de Hottentot Bay. Au vu du degré de putréfaction, ils ont été projetés sur le sable lors d’un unique évènement. On dit que l’instinct grégaire développe chez ces mammifères des comportements solidaires excessifs. Il arrive que le groupe entier s’échoue alors qu’il essayait d’aider un individu en détresse.
Au retour d’une promenade, le capitaine passe saluer l’équipage d’un chalutier.
50 pieds (15 mètres), guère plus, en bois, visiblement un ligneur ; le capitaine nous apprend que leur port d’attache est Walvis Bay. Se fader l’aller vers le sud, à contre courant et vent debout, il y a intérêt à ce que soit rentable ! Le mousse est surpris de compter autant de matelots dans un si petit navire. 10, peut être 12 gars s’entassent sur le pont.
Dans la lumière du soir, les dunes rougissent, le Nikon crépite.
Le vent souffle encore quand le guindeau remonte l’ancre du catamaran, le lendemain matin. À son passage, les chalutiers lancent des coups de corne de brume, les équipages se saluent à grands gestes. Instant sympa, chaleureux.
Spencer Bay
De Hottentot Bay à Spencer Bay, ce sont 25 milles d’une côte tracée à la règle et formant un unique trait jaune qu’il faut longer. À l’approche de Spencer Bay, les hautes dunes de sable cèdent la place aux reliefs accidentés de granite. Le ressac frappe les falaises noires.13h00, le capitaine s’apprête à virer tribord et le vent se lève, comme chaque jour. 20/25 nœuds. La mer s’agite.
Les rafales montent à 40 peut-être 45 nœuds, la mer se déchaîne, les scélérates attaquent Moetera bâbord amure.
Le catamaran contourne la pointe. Sur une petite plage, une colonie d’otaries envahit une épave, de chalutier probablement.
En face, l’îlot Mercury, un bloc de granite qui semble avoir basculé dans la mer.
Dans le fond de la baie, l’écume vole, luttant contre les rafales.
Au nord, la crête d’une dune disparaît dans une tempête de sable.
Le ton est donné. Le relief, les «accessoires », le vacarme de la tempête, c’est un décor de film d’épouvante, le site est lugubre, on s’attend à voire pointer l’étrave du vaisseau fantôme.
Le capitaine manœuvre face au vent, les moteurs ronflent. Le mousse s’apprête à mouiller l’ancre. Le capitaine vient le relever, une manille s’est détachée. Il faut faire vite, avant que la tension de la chaîne ne pèse sur le guindeau. Le geste doit être sûr et rapide pour installer la « patte d’oie », cette longue aussière solidement amarrée aux taquets des étraves. Une fois attachée à la chaîne, la patte d’oie amortit la pression. Le capitaine décide de la doubler. Une seconde aussière est amarrée aux taquets sous les haubans.
Et puis ? Le vent hurle, la houle ne se calme pas. Un après-midi à passer. Attendre que le vent faiblisse. L’équipage se confine dans le carré. Il ne débarquera pas.
« Finalement, c’est pas mal ce genre d’expérience, on éprouve le matériel, on se teste dans l’urgence. Ça nous prépare bien pour la suite. Le sud de l’Argentine, la Patagonie. »
À l’aube, le capitaine réveille son mousse. On appareille avant que le vent ne remette ça, déclare-t-il. Le mousse avoue être soulagé de quitter la baie dans un calme relatif.
Et Moetera reprend sa route vers le nord, 140 milles pour rallier Sandwich Bay. Vent arrière, dauphins, otaries, ourlet de dunes géantes.
Sandwich Harbour
Qui n’a plus rien d’un port ! Le site fut effectivement exploité jusqu’à la moitié du XIXe siècle par les baleiniers, puis abandonné au profit de Walvis Bay, port en eau profonde.Sandwich Harbour est un immense lagon, le joyau septentrional du Namib Naukflut Parc, réserve naturelle du désert du Namib, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Moetera mouille dans la première anse. II est prudent de ne pas s’aventurer au-delà, les eaux troubles du lagon ont tendance à affoler un sondeur trop sensible, capable d’afficher des profondeurs abyssales quand le quillon tribord frôle un banc de sable. La découverte du lagon se fait alors en annexe et à pied.
Pendant deux jours, l’équipage profitera de l’atmosphère sereine de ce site, brume le matin, soleil l’après midi, et, pour une fois, le vent s’est tu.
La mer de sable plonge dans un lagon d’eau turquoise habité par une des plus nombreuses populations d’oiseaux d’Afrique. Faune et dunes sont particulièrement photogéniques. Le capitaine préfère profiter d’une vue aérienne en poursuivant sa promenade en parapente.
Sur la crête d’une dune, des points noirs s’alignent. Ce sont les 4/4 qui emmènent les touristes en exploration à partir de Walvis Bay.
Au loin, sur un banc de sable, la silhouette d’une épave rappelle au marin qu’il navigue le long de la « Côte des Squelettes », ce littoral piégeux en raison du brouillard épais et des forts courants. Un millier d’épaves ont été recensées sur les rivages namibiens.
Au retour de la promenade, assis à la table du cockpit, le mousse trie les photos. Une otarie s’ébroue et, d’un coup d’œil rapide, vérifie que l’intrus aux coques blanches n’est pas un prédateur.
En cette fin d’après-midi, le lagon est un lac. Même les sternes, qui d’habitude tournent bruyamment au-dessus de Moetera se sont tues.
Puis, un souffle, un souffle bien caractéristique. Le mousse se précipite (en silence) sur l’arrière du catamaran. Une baleine est venue saluer l’équipage. Elle passe à quelques mètres du catamaran, puis retourne vers le large.
Sandwich Harbour restera une des plus belles expérience dans la mémoire de l’équipage.
Ces lignes ont été écrites au
mouillage, à Walvis Bay, sous la pluie ! La ville est pourtant
réputée être l’une des plus sèches au monde (précipitations
annuelles : 13mm), mais l’équipage a essuyé une journée
entière de pluies abondantes. La région subit des inondations
conséquentes qui ont immobilisé la circulation. Il n'y a pas qu'en mer qu'on vit des aventures...
Commentaires
Enregistrer un commentaire