Mozambique 6 - 9 semaines au Mozambique

 


Bazaruto - les Dalton - rangers


« You have to pay ! For one day », mais on ne fait que passer, on ne s’arrête pas !

Vous êtes dans le parc, vous devez payer ! Pour le bateau et pour l’équipage.

Le mousse avait repéré le semi-rigide fonçant sur le catamaran. À bord du Zodiac, quatre rangers dans leur panoplie toute neuve de tortue Ninja, affichant l’air renfrogné à la Joe Dalton.


Le capitaine maintient son cap, il vient d’engager son catamaran dans la passe  étroite entre les îles de Benguerra et de Bazaruto. En cette fin de matinée, le vent se lève, il ne faut pas se louper. 

L’échange est tendu. Le semi-rigide des Dalton-rangers tente d’aborder le catamaran, le capitaine refuse (c’est son droit), privilégiant la sécurité de la navigation et poursuit sa route.

Ce n’est ni le lieu, ni le moment, pour jouer au caissier d’un parc d’attraction !  Les Dalton-rangers sont légers et réactifs dans leur esquif rapide, mais nous, c’est pas qu’on est gros, mais la manœuvre à la voile… moins souple tout de même.

Les Daltons-rangers insistent.


A bord, on évalue rapidement la situation. Le capitaine tend les billets. Le semi-rigide prend immédiatement la direction du sister-ship alors que son capitaine engage justement son voilier dans la passe. « Jamais vu papa aussi énervé » dira la petite matelote du bord. 


Le mousse hésite encore. Faut-il écrire sur Bazaruto ou se taire ? 

Les équipages attendaient cette escale, elle a sa réputation. L’archipel de Bazaruto est formé d’îles de sable blanc posées sur des hauts fonds d’eaux translucides. Les dunes, de près de 100 mètres de hauteur, sont visibles à une bonne trentaine de km. Le capitaine jetait de doux regards à son parapente, comme une promesse d'un vol sur un site mythique.

 

L’archipel est un parc marin, ou une réserve, ou les deux peut être. Et le gouvernement parie sur le tourisme de luxe. Un yacht de pêche -le plus gros au monde parait-il- mouille devant un lodge cossu, posé sur une plage de sable blanc.

Tout est tarifé dans ce parc. La journée commencée, celle qui sera interrompue par un départ anticipé, le droit de plonger, le droit de se baigner ! La pêche est autorisée, mais… il faut payer.

À s’y perdre. 


Quelques jours avant cette scène irréelle, les catamarans avaient jeté l’ancre devant la belle île. Rafraichis par cette ambiance consumériste, les équipages avaient de décider de la quitter au plus vite pour faire route vers Vilankulo, une station balnéaire sur le continent qui ne mérite pas une ligne supplémentaire dans cette chronique. 


Regagnant le large pour rallier Tofo, l’escale suivante, le capitaine voulait éviter un détour vers le nord en coupant le chenal et en traversant le parc. C’était sans compter sur la visite inopportune des Dalton-Rangers.


Confrères de la plaisance hauturière, préférez Bartolomeu Dias et fuyez Bazaruto, désormais transformé en parc d’attraction. Les embouteillages de vedettes ne sont pas loin…


Bartolomeu Dias et Tofo - des lodges


Chiloane marque la limite sud des cotes d’un Mozambique isolé, rarement fréquenté par des plaisanciers. 


Depuis Bartolomeu Dias, les toits en chaume des lodges piquent discrètement les rivages. Sur les plages, une baraque aux couleurs vives propose sodas et confiseries, les vendeurs à la sauvette tentent de fourguer leur camelote aux rares promeneurs. En mer des vedettes blanches, les longues cannes à pêches en poupe, des amateurs de pêche au gros, croisent les pirogues.




Un estuaire abrite des hôtels appréciés des pêcheurs sportifs sud-africains (Bartolomeu Dias), la plage de Tofo est devenue un spot de surf réputé, la lagune de Barra Beach offre une aire de glisse multiple, kite, wing et surf !



Les côtes du sud, c’est un peu notre Corse des années 70, les Sud Africains ont saisis l’intérêt touristique de cette région.


Désormais les catamarans croisent quelques voiliers, les quillards s’abritent d’un coup de vent dans la baie de Linga Linga, les catamarans profitent de leur faible tirant d’eau pour s’aventurer dans les lagunes peu profondes aux eaux turquoises. 



Météos maitresses


Une route avec des escales décidées par anticipation ? Un programme comptant un jour de départ et celui de l’arrivée ? Une agence de voyage quoi ! A la question récurrente du mousse : « on mettra combien de jour pour rejoindre xx ? » Réponse universelle du capitaine : ça va dépendre de la météo.


Et la météo du Canal du Mozambique en cette saison reste instable, novembre, c’est pas encore l’été mais ce n’est plus la saison fraiche non plus. Les coups de vents poussés par les eaux tempétueuses des mers du sud restent fréquents. 

20 noeuds, rafales à 30, pas si énorme après tout, estimera un loup de mer expérimenté. Moetera a affronté les houles cassées de l’océan Indien, subi ses déferlantes inondant pont et cockpit, arraché des milles contre les rafales, navigué des jours entiers dans une toile réduite, trois ris et foc en trinquette. Le lot des plaisanciers hauturiers.


Dans la baie d’Inhambane, à l’abri de Barra Beach, les sister-ships sont à l’arrêt depuis près de trois semaines.


Un départ vers Maputo est programmé, 200 milles, l’affaire de deux jours, à peine. Mais la météo politique s’est invitée dans le bal de la météo marine. L’opposition politique conteste les résultats des élections, des manifestations éclatent dans les grandes villes du pays, Maputo est déclarée ville morte. L’escale est annulée.

Il faut attendre une fenêtre de trois ou quatre jours pour rallier directement Richards Bay (à 400 milles), porte d’entrée de l’Afrique du Sud.

Les plaisanciers hauturiers connaissent bien ces escales imposées, qui se prolongent. L’occasion de croiser des équipages, de parler des routes empruntées et prévues, d’échanger sur l’expérience des escales faites ou à venir. Naturellement ces causeries se déroulent autour d’un verre à l’heure du coucher du soleil, mais fallait-il le préciser ?



Le capitaine tente un dernier vol de parapente avant le départ. L’accompagnant, le mousse découvre un village planté sur la crête, là ou le vent secoue les branches, l’air est respirable, les cases s’alignent le long de l'unique piste. Joli village aux cases et jardins impeccablement soignés. Le mousse est invité à traverser une cour, parce que c’est le chemin le plus court. C’est si simple… Déjà nostalgique de ce pays.


Linga Linga - Richards Bay - dernière nav


Le capitaine examine les cartes météo. Une fenêtre s’annonce. Jeudi en fin de journée, probablement. Ce que confirment les autres équipages en attente dans l’estuaire.

Finalement ce sera vendredi matin. Le vent tournera dans la journée. Le matin, ce sera au près, puis le vent passera nord, et l’allure se fera au portant. C’est tant mieux. L’objectif est d’arriver au plus tard lundi midi,  avant que le vent ne repasse au sud. Trois jours, trois nuits. Une petite navigation. 
Au petit jour, le vent du nord forcit. Au grand largue, le capitaine est satisfait de son allure à 11,4 nds ! Mieux que les concurrents du Vendée alors englués dans l’anti-chambre du pot au noir ! Et pour Moetera, catamaran de 40 pieds, la performance mérite d’être soulignée.


Le départ est prévu à marée descendante quand le courant est moins fort ; le franchissement de la passe est facile. Moetera retrouve le large et tangue dans une mer encore agitée du coup de vent de la veille. Le vent souffle à 15 noeuds établis, secteur est, comme prévu. Le capitaine tire un premier bord.



L’équipage, après trois semaines à l’arrêt, se ré-amarine. Ce qui est forcément un peu plus compliqué pour le mousse. Le près n’est pas l’allure privilégiée sur un catamaran. La mer est hachée, le voilier bascule entre creux et crête, le roulis devient vite désagréable. Grosse pensée pour les concurrents du Vendée Globe qui subissent des chocs dix fois plus violents, sur des périodes bien plus longues. Rien que pour ces chocs permanents qu’ils subissent, ils sont héroïques !


Les deux journées suivantes se font au portant, le vent de nord faiblissant. Le capitaine envoie le spi qui éclate dans même pas 15 noeuds. Une déchirure qui prend naissance dans le nid d’une première réparation. Usé, fatigué, brûlé par le soleil tropical, c’est la fin du service pour ce spi et un programme de recyclage pour une mise en retraite. 


L’après-midi de la deuxième journée, une onde, longue, lente, déforme l’horizon.

Dans les heures qui suivent, le catamaran tangue sur cette houle qui remonte vers le nord la furie d’une tempête des mers australes, une houle sans vent, puissante. 

Les voiles faseyent, le foc ne se décide pas entre tribord et bâbord. La bôme bascule d’un bord à l’autre : grincement de la poulie du palan et … tac ! claquement de la bôme bloquée par le barber-hauler. Grincement, claquement, grincement, claquement. Le cerveau du mousse enregistre le mouvement et l’anticipe, il suffit de suivre la chanson. 


Le vent se lève avec la lune, la fameuse lune du Castor, la super lune 2024, rousse, flamboyante, ajoutant à la houle australe une houle de vent, croisant la première, la pire configuration. Moetera plonge dans le creux, reprend péniblement son ascension vers la prochaine crête, la coque tribord vrille, le mousse visualise l'étrave pointant dans le vide avant de plonger à nouveau. Les coques vibrent sous les chocs, le vacarme envahit le carré. Le mousse ne fait plus qu’un avec la banquette, il guette les mouvements, il a appris à reconnaitre les réactions du voilier. Moetera joue sur la souplesse de ses deux coques pour amortir la violence des vagues. 

Cette houle désordonnée, pernicieuse, traitresse, sans foi ni loi, est épuisante. Elle disparait, comme elle est venue, au milieu de la nuit.

À 8h00, le catamaran est amarré dans la zone douane de Richards Bay, Tuzi Gazi Waterfront, Afrique du Sud.


9 semaines au Mozambique, c’est bien trop court. 














Commentaires

  1. Un petit coucou de Normandie où nous venons de découvrir ton blog. Le Mozambique était un pays qu’audrey rêvait depuis longtemps de découvrir … mais à bord d’un bateau c’est autre chose

    Bisous de nous Sam, Audrey, Hélène

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    1. Hello les filles ! Tofo sera alors un jour votre destination pour y surfer. Allez-y vite ! C'est le bon moment, quelques jolies installations, une plage absolument superbe, de beaux rouleaux, et surtout, surtout, le sourire et la gentillesse des Mozambicains !

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