Mozambique 4 - Plongée sur le tombant kafkaïen - se mettre en règle - Partie 1

Séquence dans l'antre administrative mozambicaine. Expérience insolite. On s'en doutait.

L’administration touchant au domaine maritime et aux transports est probablement parmi les plus anciennes et les plus voraces en procédures et perception de taxes. C’est un fait universel, partagé, accepté. Il faut remercier Monsieur Colbert -oui, en France, on a des idées, c’est historique !-, le grand inventeur de cette administration soucieuse du détail et de la conservation de la moindre fiche, méthode réputée efficace puisque gardant trace de tout, -mais c’est quoi le « tout » ?-; méthode qui fut développée dans les pays voisins au rythme des conquêtes napoléoniennes et fit naturellement rhizome dans les anciennes colonies. Nation se réclamant du communisme, le Mozambique fit sienne cette méthode lors de son indépendance ; les dictatures ont cette tendance frénétique à tout ficher, absolument tout, encore ce « tout ». 

Après quatre semaines d’errance le long des côtes mozambicaines, après avoir vécu trois expériences de « mise en règle » du bateau, l’auteur de ces lignes peut l’affirmer : le Mozambique nage allègrement dans l’absurdité d’un monde bureaucratique. 

Plongée donc dans le monde de l’absurde, de l’inutile, de la vexation, celle d’une bureaucratie dont les acteurs n’ont pas conscience de la finalité, puisqu’il n’y en a pas, où chacun tente d’exister en apportant ce petit chose qui lui fait croire qu’il est un « acteur » pour reprendre le lexique managériale, mais qui se révèle être le petit caillou qui bloque la porte. 

Cet univers de fonctionnaires, qui ne savent pas à quoi ils peuvent bien servir, mais qui sont très satisfaits de leur condition, cet univers donc, dispose d’un classement olympique. En haut du podium, vainqueur par KO, Beira, capitale de la province de Sofala, port de commerce et de pêche. 

port de pêche de Beira Mozambique
Ancienne ville coloniale, qui connut son heure de gloire, Beira fut détruite par le terrible cyclone en 2019 et en garde encore aujourd’hui les stigmates. L’économie en peine étant incapable de trouver le dynamisme nécessaire pour reconstruire, une bâtisse sur trois, selon les observations partagées par les deux équipages, est en ruine ou en passe de le devenir. Le port de pêche est à l’arrêt, des dizaines de chalutiers et palangriers pourrissent dans la vase du port. Les chinois ont acheté les droits de pêche en promettant des constructions dans la ville ; dans la périphérie, une ville neuve, dans un style kitchissime, sort de terre, une ville chinoise. Photographie devenue courante dans ces pays de l’Afrique de l’Est.

Avant de vivre « l’expérience Beira », l’auteur de ces lignes avait imaginé une chronique sur le premier contact : la mise en règle à Nacala. Puis, les catamarans ont atterris à Moma, autre lieu, autre ambiance, de quoi causer aussi. 

Mais qu’en dire après Beira ? 

D’une manière générale, il faut faire preuve de patience, d’humilité et de résilience face à ces fonctionnaires persuadés que la mission nationale dont ils sont investis leur donne du pouvoir alors que les textes leur confèrent une autorité. Il faut savoir garder le sourire dans toutes les circonstances, savoir dire stop, pas trop tôt pour éviter des vexations inutiles, ni trop tard, avant que l’affaire ne se tire en cacahuète. Il faut garder la maitrise du don, de son montant et de son récipiendaire, ce présent apprécié dans la culture mozambicaine et qu’on nomme bakchich dans d’autres cultures. 

Dans ces exercices d’une diplomatie très particulière, le capitaine est devenu expert.

Autre atout à posséder dans son jeu, l’agent. Si par hasard, un plaisancier, après la lecture de ces lignes, garde l’envie de tenter l’aventure, on lui conseillera de prendre langue avec un agent honnête, disponible et réactif, moyennant une rémunération d’un modeste effort pour le plaisancier, mais dont le montant pourra doubler le salaire mensuel de l’agent.

Cet agent existe. Il a fait preuve de ses talents de négociateur auprès de ses collègues, il a su débloquer des situations ubuesques dans lesquelles les équipages ont été piégés.
Cet agent fait parti de l’administration des Affaires Maritimes mozambicaines à Nacala, il s’appelle Abdul, et il mérite une chaleureuse recommandation. 

L’escale à Beira a duré cinq jours. Ce port est l’un des trois, avec Nacala dans le nord et Maputo dans le sud, indiqué aux plaisanciers pour réaliser les procédures administratives de régularisation. Il s’agit aussi de demander une extension de visa, un mois, -déjà !- après l’arrivée à Nacala. Et puis les mousses espéraient trouver dans les marchés de la ville de quoi redonner du contenu aux réfrigérateurs et coffres à épiceries. 

Flâner en ville, prendre des photos sur la plage des pêcheurs en boutre, aller boire un verre en terrasse, diner au resto. Une séquence en ville quoi.

Cinq jours donc. La moitié fut accaparée par les tracasseries administratives.



Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

La transat' 2e partie Sainte-Hélène Rio de Janeiro

Mozambique 6 - 9 semaines au Mozambique

Afrique du Sud 1 - Doubler les caps