Mozambique 1 - La route de l'ouest
Oui, mais pourquoi choisir cette route par l’ouest ?
Pour aller au Cap, on passe par Madagascar et on traverse le canal du Mozambique dans son sud pour rejoindre Richards Bay, la porte d’entrée en Afrique du Sud. Éventuellement, on prévoit de faire escale aux îles Eparses . C’est ça la route pour rallier l’Afrique du Sud en provenance de Mayotte.En juillet est annoncée la fermeture des frontières de Madagascar aux navires en provenance des pays Africains, des Comores et de Mayotte. Motif : épidémie de choléra.
Flûte. La route via Mada est donc officiellement fermée et son ouverture en septembre, reste très aléatoire.
Si la route de l’est est fermée, il reste donc celle de l’ouest.
Envisager un cabotage sur les côtes du Mozambique, c’est le projet de découvrir une infime partie des 2500 kilomètres de rivages de sables blancs et de dunes, des dizaines d’îlots et récifs de coraux à ne plus pouvoir les compter, d’immenses mangroves, des estuaires sauvages. Cela veut dire suivre la route des baleines en cette saison. On dit même qu’on peut apercevoir des éléphants sur les plages.
Jusqu’à l’archipel de Bazaruto, dans le sud, les côtes ne sont pas très fréquentées par les plaisanciers hauturiers ; les voiliers qui arrivent par la route malgache rejoignent directement cet archipel bien apprécié des Sud Africains.
En quelques mots, le cabotage sur 1800 kilomètres de côtes du Mozambique, c’est la promesse de la découverte d’espaces gigantesques, d’une nature préservée. Tentant non ?
Avouons-le, l’aspect « aventure » séduit le capitaine et son mousse.
Alors on se renseigne, on consulte des articles, on surfe sur la toile, on visite les sites officiels des ambassades, des ministères, du gouvernement de Maputo, des grandes sociétés installées dans ce pays. On se fade même des rapports de l’ONU. On regarde des reportages. On contacte des lodges, les adresses mails des officiels restant muettes à nos questions.
On bûche le projet.
L’entourage, peu informé de la situation -il faut admettre que le Mozambique fait rarement la une des médias français-, fait part de son inquiétude. Y a la guerre non ? C’est pas Daesh là-bas ? Y a des pirates ? Du racket ?
Non, oui, non et oui.
Il est prudent d’éviter la province du Cabo Delgado située tout au nord du pays. Même si l’armée du Rwanda, venue à la rescousse du gouvernement du Mozambique a réussi a contenir l’avancée des rebelles, il existe un risque réel d'attaques armées et d’attentats. Cette région, riche en ressources naturelles est au coeur d'une guérilla intérieure depuis 2017 ; les rebelles qui se nomment "Al Shabab », qui signifie « les jeunes » ont fait allégeance à Daesh. Leurs exactions ont provoqué le déplacement d'un million de personnes et fait plus de 5000 victimes. Le second sujet qui concerne cette même région et qui intéresse les médias ainsi que certains organismes militants est celui de l'installation des sociétés Exxon Mobile et Total Energie qui ont créé des méga sites d’extraction gazier. Ces promesses de richesses ont aiguisé l’appétit de certains, jusqu’à provoquer une insurrection dans cette région. L’Histoire est une boucle.
Le capitaine n’est pas Fabrice Del Dongo, il n’a pas l’intention de traverser un champ de bataille. Et si une région est effectivement instable, une région ne fait pas un pays. Les médias ne relaient que les situations de crises.
L’équipage a prévu un atterrage à Nacala, bien au sud du Cabo Delgado. Tant pis, le magnifique archipel des Quirimbas ne sera pas visité.
Des pirates ? Les sites officiels traitant de la sécurité en mer sont consultés. Non, il n’y a pas de pirates dans cette région. Enfin, personne n'est revenu à ce jour témoigner d'une éventuelles prise d'otages...
Du racket ? Très probablement, par des officiels ou pseudo officiels. Les échos convergent sur ce point.
Et puis, ne négligeons pas l'aspect navigation. Un cabotage sur une distance de 1800 kilomètres exige une fine étude de la route qui sera empruntée et des escales. Les côtes s'étirent sur de longues droites. Les abris ne se trouvent qu’à la croisée des baies, des estuaires, des deltas. Il est prévu de passer d’un abri à l'autre entre deux coups de vents du sud, encore fréquents en cette fin d'hiver austral.
Les deux équipages sont déterminés, la route vers Richards Bay passera par le Mozambique.
C’est parti.
Début septembre, les catamarans quittent leurs mouillages de Dzaoudzi pour se mettre en attente du départ, sur la côte ouest de Mayotte. Devant M’Tsamgamouji, puis à Soulou, enfin à Boueni.
C’est l’attente de la bonne fenêtre météo. Cette fois-ci, les jours ne sont pas comptés. Inutile de se faire mal.
C’est le temps du repos après ces semaines éreintantes de préparation et les derniers adieux émotionnellement éprouvants.
À bord, on fignole la préparation.
Dans les cockpits des catamarans, les mousses confectionnent le pavillon du Mozambique. Et l’exercice n’est pas simple ! Trois bandes et dans une étoile jaune, un livre sur lequel sont disposés en croix une houe d’agriculteur et un AK 47. Toute l’histoire de ce pays et son ambition en un symbole croisé sur le drapeau national.
Samedi 14 septembre au matin, les catamarans appareillent, se dirigent vers la passe de l’Ouest et quittent le lagon de Mayotte. La météo est clémente, 15 noeuds, rafales à 20 noeuds, les voiliers retrouvent l’océan au grand largue. Les équipages s’amarinent.
Il s’agit de parcourir 250 milles jusqu’à Nacala, route ouest/sud-ouest. Au gré des caprices du vent, le capitaine est à la manoeuvre, spi, foc, grand-voile s’enchainent. Au petit matin du troisième jour, une ligne épaissit sensiblement l’horizon, l’Afrique.
Le vent est définitivement tombé. L’entrée dans la baie de Nacala se fera au moteur. Le courant est puissant, le moteur c’est donc une évidence. Le catamaran avance en crabe.
Le mousse ne cache pas sa déception. Traverser le canal du Mozambique en septembre, et ne pas avoir croisé une baleine.
Mais l’émotion est là. Le projet, si longuement travaillé et réfléchi, ce projet qui a exigé du capitaine des heures d’efforts dans une chaleur étouffante, Mayotte n’est pas le meilleur endroit pour envisager des travaux sur un voilier, ce projet qui a conduit le mousse à prendre une décision radicale, ce projet commence à cette heure. Celle de l’atterrage à Nacala, au Mozambique.
Une heure avant le coucher du soleil, un coffre devant un lodge est pris. Le catamaran est à l’arrêt.
Le sister-ship arrivera le lendemain matin, à son bord, un équipage fatigué mais fier d’avoir réussi sa première traversée.
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